Le tue-cochon au terroir du Pata Negra ( 1re partie)

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LE TUE-COCHON EST À LA PORTE ! ALLONS-NOUS AU TUE-COCHON ?

« C’est le jour de tuer le cochon… / La truie est triste /
nous sommes très contents / nous n’aurons pas faim pour longtemps.* »

Comme tous les ans David et Nuria m’annoncent que le tue-cochon est déjà préparation. Le tue-cochon c’est un rendez-vous incontournable chez eux : la deuxième quinzaine de février, au terroir du Pata Negra. Et comme chaque année ils font revivre ce « rituel » traditionnel pour famille, amis, clients… Tout le monde est le bienvenu !

Avez-vous envie d’y aller ? Veuillez contacter directement avec David Cubero, au +33 06 38 11 87 64

Le tue-cochon (« la matanza ») c’est la mise en scène de l’abattage traditionnel du cochon domestique Pata Negra. Cette tradition comprend l’abattage, la découpe, la preparation et la cuisine de la viande, et l’élaboration de la charcuterie. Comme le font remarquer David et Nuria : « on ne fait pas de jambon sans tuer le cochon ».

Encore maintenant le tue-cochon est une tradition qui joue d’une certaine popularité, en régression, aux villages. Le tue-cochon est, pour tous ceux qui ont des racines rurales, un épisode unique et nécessaire. Bien que cela n’ait pas été toujours une expérience exemplaire et apte pour tous les goûts.** On ne peut oublier que le tue-cochon fournit de la viande et de la charcuterie à beaucoup de familles paysannes pendant presque toute l’année.

C’EST LE TEMPS DES COPAINS

Commence une journée froide et sèche, mais heureusement lumineuse. Un beau jour pour se rencontrer à nouveau, les familles de David et Nuria, les amis du village et aussi d’autres amis, anciens et nouveaux, venus de France pour l’évènement. Le point de rendez-vous c’est un basse-cour situé en bordure du village de Calera. Un local petit et modeste mais parfaitement préparé pour faire le tue-cochon et pour que la fête se passe le mieux possible.

Là tout est prêt et chacun sait ce qu’il a à faire. Le cochon attend. Tous regardons David en attendant qu’il prenne l’initiative. Dans le même temps l’anis et l’eau de vie aident pour mieux supporter le froid et la grande expectation créée. Au cour les conversations s’animent : anecdotes, blagues, vieilles et nouvelles histoires… Sans doute, nous sommes tous heureux de nous y revoir et de rencontrer de nouveaux amis.

Mais nous avons à peine le temps de nous parler. Soudain, on entend dire: « ea, vamos p’allá » (le temps est venu). C’est David qui parle, pendant qu’il charge et arme le pistolet d’abattage*** en chemin vers le coin du cochon. A partir de ce moment là, tout s’est déroulé très rapidement. On entend alors un léger craquement et un cri puissant et court. Le cochon, étourdi mais encore vivant, tombe. Les hommes se précipitent sur le cochon et traînent et chargent leurs presque « 20 arrobas » **** sur le banc, au centre de la cour.

C’est le moment de l’engorgement. C’est le rôle du père de David, grâce à son savoir faire et aussi par respect de la tradition. Lui, d’un geste précis et rapide, fait son tue cochon : la saignée. En attendant, le reste des hommes maintiennent immobile le cochon qui, encore vivant, a commencé à saigner abondamment.

CAR LA VIE SUIT SON COURS

À présent le travail ne fait que commencer. Une femme, Conchi, récupére le sang dans un bassin, tout en remuant avec la main afin qu’il ne se solidifie pas. Ce sera l’ingrédient principal pour faire un excellent boudin noir. En outre, c’est la première intervention des femmes dans le rituel.

Après que l’animal a été saigné, il faut le roussir à la flamme pour bien le raser. On en profite aussi pour gratter et enlever la couche superficielle de la peau. Puis il est lavé avec de l’eau bouillante et il est déjà prêt pour la découpe.

Ce n’est que peu à peu que disparaît la tension du moment de l’abbattage. Les groupes reprennent leurs discussions, Paco « le sevillain » raconte des blagues sans cesse, le vin commence à couler, des casse-croûtes vont et viennent… Celui qui prend des photos presque sans arrêt est mon ami, et après beau-frére, Salva. La caméra brûle entre ses mains.

David et ses copains découpent la carcasse, les abats rouges et les boyaux sont ensuite extraits de l’animal. Les boyaux doivent être vidés et lavés très soigneusement, ils serviront pour l’élaboration du boudin et d’autres charcuteries typiques. Ce sont les femmes qui feront ces travaux. Nuria récolte des échantillons et les analysera ensuite. (Tout va bien, comme on le saura plus tard). Cependant tout le monde travaille sans relâche.

Après le dépeçage, commence à prendre forme un garde-manger imaginaire, savoureux et bien garni . David et ses copains montrent et expliquent chaque morceau de viande extrait. De cette façon, nous pouvons vérifier que dans le cochon rien ne se perd.  Du museau à la queue tout est cochon, tout est bon. Tout un catalogue succulent et exquis : lomo, coppa, jambons, epaules, travers, poitrine, filet mignon, presa, pluma, secreto, pestorejo, carrilladas, abanico, panceta, tocino, manteca… 

ET VOILÀ, LA TABLE EST PRÊTE !! Y A OTRA COSA

L’heure avancée nous force à nous arrêter. La viande reposera au froid de la nuit jusqu’à demain. Les « bouchers » sont fatigués et ont faim après le travail, tout le monde a envie d’aller dîner. En fait nous attendions avec impatience ce moment. On passe directement à la cuisine-salle à manger, un espace modeste sans fioritures, nous sommes presque 30 personnes. L’ambiance est incroyable.

La table est servie : jambon pata negra bellota IBESUREX, fromages, charcuteries, «tortilla de patatas », omelette aux asperges sauvages, boudin, bières, vins… La mère de David sert un « guiso de garbanzos » qui s’annonce spectaculaire. Tout répond largement à nos envies d’authenticité, terroir et convivialité autour de la table. C’est l’heure !!

C’est l’heure de déguster quelques pièces de la viande : pluma, filet-mignon, careta et la queue… Tout parfaitement salé et grillé sur les braises. Certains testerons des abats frits dans l’huile d’olive, avec de l’ail tendre et du gros sel. Décidément, pour les vrais amateurs de la viande et du barbecue, cela suffit à faire la différence. Et, croyez-moi, c’est une différence vraiment savoureuse.

Bref, tout cela ne fait que débuter, le dîner prend un air de fête. Nous attend une soirée animée et amusante !! Et, en plus, avec une surprise inattendue pour certains d’entre nous : David est un remarquable « cantaor » de flamenco !! Pour bien chanter les émotions il faut les vivre, c’est ça qui fait le flamenco et c’est ça qui fait David. Cela en vaut la peine ! Il vaut la peine de vivre et de partager une une journée comme celle-ci.

Une autre jour nous attend demain, il faut se reposer dans l’attente de nouvelles expériences. On continuera…

NOTES EXPLICATIVES :

  • * Chanson de Francesc Pi de la Serra qui décrit parfaitement le tue-cochon, bien qu’il parle d’une chose différente. Mais cela c’est une autre histoire…
  • ** Mrs. Lebrun et W. Maigne décrivait dans son « NOUVEAU MANUEL COMPLET DU CHARCUTIER, DU BOUCHER… » , edition de 1869 : » La maniére de tuer les cochons est barbare : comme par malheur on ne peut agrir autrement, il faut bien s’y résigner; mais ce que l’on doit éviter religieusement, c’est de souffrir que les enfants s’en fassent un sujet de joie. Rien n’est plus affreux que de voir, dans les villes de province, les gens du peuple s’attrouper en davant d’un porc qu’on égorge, et les enfants sauter autour de la victime, soit lorsque ses cris aigus font horreur, soit lorsque les flammes l’environnent : il me semble toujours voir des cannibales et des inquisiteurs chantant autour de leur victime. »
  • *** Comme dans toute l’Union européenne, à l’Espagne c’est obligatoire l’utilissation de ces pistolets aux abbattages domestiques. De la même il faut un permis de la mairie et la supervision veterinnaire pour la réalisation d’analyses et contrôles sanitaires.
  • **** À l’Estremadure, aux villages, le poids des cochons se mesure à l’ancienne. C’est à dire en « arrobas » et « libras extremeñas », qui equivalent à 11,5 kilos et 460 grammes respectivement. Notre cochon il pesait environ 220 kg.

Texte de Rogelio Herrera (VALENCIA)

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